Ouest France 19/01/2024
La Tête dans le sable (LTDS) a préféré se laisser plusieurs jours pour réagir à l’annonce de l’abandon du projet d’extension de la sablière Lafarge, à Saint-Colomban. Aussi, après que le conseil d’administration s’est réuni mercredi soir 17 janvier, Jacki Herbet, l’un des quatorze coprésidents de l’association, livre l’analyse de la situation des militants.
L’annonce de l’abandon du projet Lafarge divulguée à l’occasion des vœux du maire de Saint-Colomban, Patrick Bertin, a été comme pour beaucoup une surprise pour les membres associatifs. Cependant, « c’est une victoire extrêmement nuancée, confie Jacki Herbet. Bien sûr, c’est une avancée, mais il y a toujours une carrière en lice. » D’autre part, il livre les inquiétudes de l’association quant à l’avenir des terres jusque-là convoitées par le carrier et sur lesquelles des négociations et des compromis de vente ont déjà été engagés. Elle craint que « si ce ne sont pas les carrières, ce soient les maraîchers », qui seront tentés de les racheter.
LTDS reste donc très vigilante et les membres semblent déterminés pour dépenser une grande partie de leur énergie pour ces « belles terres ». Aussi, pas de répit pour LTDS, car face à cette nouvelle menace du « maraîchage industriel » contre laquelle elle se bat également, cette dernière se mobilisera sûrement pour « tout faire pour que ces terres soient de nouveau sacralisées ». Jacki Herbet reste toutefois discret sur les futures actions et sur les motivations à court terme de l’association. Cependant, l’idée de faire pression sur les élus du Pôle d’équilibre territorial et rural du pays de Retz, pour qu’ils reviennent sur leur décision qui avait mis fin à la protection de ces espaces agricoles pérennes, ne semble pas exclue. Mais dans un premier temps, les parcelles ne faisant plus l’objet d’une future extraction de sable, la municipalité devra revoir encore son Plan local de l’urbanisme pour que le projet GSM puisse être porté à enquête publique.
Quand aux « motivations publiques » de la société Lafarge qui avance des raisons économiques pour justifier son retrait, elles ne convainquent pas La Tête dans le sable. En juin 2023, l’autorité environnementale a émis de fortes réserves sur les projets des carriers et leur a demandé de produire une étude d’impact commune, ce que la société Lafarge n’aurait, a priori, pas souhaité. Alors, « l’argument sur des conditions environnementales trop exigeantes conviendrait mieux à notre logique », glisse Jacki Herbet, qui espère bien que le travail de l’association a eu sa part de responsabilité dans cette affaire. La préfecture a aussi pu penser que les arguments de LTDS étaient défendables et que la pression d’une partie la population était suffisamment importante, sont tentés de croire les défenseurs de la nature. Quoi qu’il en soit, « la position de LTDS est renforcée par cette décision ».
« Une victoire à point nommé »
De leur côté, les Soulèvements de la Terre (SDLT), qui accompagnent depuis plusieurs années l’association de La Tête dans le sable dans son combat contre l’extension des sablières et du maraîchage industriel à Saint-Colomban, réagissent à l’abandon du projet de la carrière Lafarge par voie de communiqué de presse, daté du 16 janvier. Ils parlent d’une « victoire à point nommé », car cette annonce « arrive six ans, quasi jour pour jour, après l’abandon dans le même département du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et trois ans après celui d’un projet de méga entrepôt logistique Amazon à Montbert, à quelques kilomètres de Saint-Colomban ». Ils soulignent aussi un autre hasard de calendrier, puisque la cour de cassation vient de confirmer la mise en examen de Lafarge pour complicité de crime contre l’humanité pour ses activités en Syrie jusqu’en 2014. Cette semaine a aussi été marquée par le jugement rendu par la cour de cassation de Niort, à l’encontre des militants anti-bassines dont certains membres du mouvement des SDLT faisaient partis et qui s’est soldé par plusieurs emprisonnements avec sursis. Même si cela traduit, selon LSDT, « l’acharnement du gouvernement à réprimer physiquement et judiciairement les mouvements pour la défense des terres et de l’eau », cet abandon semble les conforter dans l’idée que certains combats peuvent aboutir à « des victoires ». Toutefois, dans la mesure où le projet d’extension de la carrière GSM est toujours d’actualité et qu’il fera l’objet d’une enquête publique dans les mois à venir, entre juin et octobre, selon le maire, Patrick Bertin, les militants pour l’environnement disent maintenir leur vigilance à Saint-Colomban. Ils rappellent aussi que d’autres projets de carrières sont toujours contestés dans le département, comme à Tahun.
Elodie Hertu, Ouest France, 19 janvier 2024